Intérieurs

Interieur: 1931 St Lievens Esse Jan De Cooman a réalisé une vingtaine de peintures de cuisines paysannes flamandes. Nos intérieurs paysans de Flandre ! Ces grandes pièces plongées dans la pénombre exhalent un mystère féerique. Tout est paisible, flou et calme. Un silence mystérieux enveloppe toutes les simples choses de la vie. La lumière intense pénètre de façon miraculeuse par les carreaux brillants et projette d’allègres taches dorées vibrantes sur les dalles bleues. Une diversité de nuances infiniment tendres, pleines de délicats contrastes qui tremblent contre l’obscurité du plafond, où la pénombre jette des taches sur les poutres, dans le violent éclat sur le bord des assiettes d’étain au-dessus du manteau de la cheminée, dans la couleur pâle des chaises d’osier, dans la brillance des ustensiles de cuivre. Toute l’atmosphère tremble de paix transparente. Les êtres humains sont résorbés par la pièce, en parfait unisson avec le calme profond qui engloutit toute chose, et ils rayonnent dans leur être et leur occupation paisible l’harmonie intime de la chambre. Ces cuisines paysannes ont leur propre atmosphère, leur lumière, leurs couleur et odeur particulières, elles sont pleines de poésie.Avec quelle beauté visuelle l’artiste a-t-il su peindre cette intimité, cette intensité limpide !

 

Les intérieurs de Jan De Cooman s’étalent sur deux périodes : une dizaine ont été peints entre 1914 et 1921 et les dix autres datent des années 1930 à 1935. La différence d’expression, de sensation et de sentiment est frappante et quelque peu décevante. Dans les dix premiers, l’élément pictural est dominant : leur beauté et leur sentiment résident dans les nuances harmoniques de couleurs. Dans la deuxième période, toute l’attention est consacrée à l’exactitude graphique de la composition, à la représentation fidèle : la magie impulsive des couleurs cède la place à la réflexion, qui cherche à minutieusement justifier l’objet jusqu’au moindre détail.

 

La plupart des intérieurs de la première période sont répandus à l’étranger. Deux tableaux de cette période traitent exactement le même sujet : une cuisine de ferme, vue depuis une porte ouverte, avec sur l’avant-plan l’encadrement non illuminé de la porte ouverte, mêlé de manière indéfinie à l’atmosphère, et au centre la vue sur l’intérieur de la maison, baignant dans la clarté du jour.

Ce sont de vrais tableaux de fête ! Dans l’encadrement foncé, la lueur terne de tons gris et bleus exprime un charme particulier. La porte ouverte, d’un brun foncé, fait irruption dans la symphonie tempérée du fond. Cet unisson rayonne une merveilleuse harmonie, tendre et fragile, qui contraste comme une ombre douce avec la chaude lumière dans la chambre d’intérieur.

L’intérieur, aperçu depuis la porte ouverte, est traité différemment dans les deux tableaux. Dans l’un, la sobre lumière perce par un coin de fenêtre, engloutit les objets dans un voile mystérieux d’indécis et s’efface mélodieusement dans la gamme générale de couleurs ternes. Dans l’autre tableau, la lumière blanche et chaude pénètre dans la chambre et fait baigner les objets dans une merveilleuse lueur de robe de brocart.

Les deux toiles sont de la main d’un véritable peintre qui, à travers l’observation réaliste, crée un monde magique, où la lumière règne en tout-puissant pur et parfait. L’état d’âme du jeune artiste, qui vit en extase l’univers et sa jeunesse se cristallise dans cette splendeur fragile. La lumière, qui flotte tempérée ou qui rayonne dans tout son éclat, traduit la joie d’âme de l’artiste, qui, jeune homme extasié, chante le sommet de sa vie.

Ces pièces nous révèlent que Jan De Cooman, dans les premières années de sa prise de conscience, se manifestait avant tout en tant que peintre et non comme un artiste graphique. Il faisait montre d’une vision picturale comme on la retrouve rarement chez un jeune homme d’à peine vingt ans.

Le teint et le ton ont quelque chose d’imposant, de monumental, et sa force imaginative ne semble jamais forcée, en rien encore atteinte par l’expression conventionnelle des périodes ultérieures.

Ces tableaux sont pleins de promesses, quand on regarde la façon de créer, sans calcul, spontanément tracés des doigts, sans détails, seuls des tremblements de lumière, des scintillements harmoniques, exprimés avec cette extrême finesse et cette lucidité classique que nous aimons tant dans les oeuvres de Jan De Cooman !

Dans la deuxième série de cuisines paysannes, Jan De Cooman nous les montre comme une curiosité folklorique. Il semble nous dire amicalement : Voyez comment vivent ces braves gens ! En effet, nous pouvons admirer ces vieux objets avec un intérêt fasciné. Nous sommes frappés par l’odorant pain brun de blé, l’éclat sympa des vieilles assiettes et marmites, la régularité du branle de cuivre qui chasse le temps dans la vieille armoire de pendule.

Jan De Cooman s’est révélé dans ses intérieurs comme un technicien à la perception acérée, et en même temps comme un artiste sensible et un être délicat, un artiste qui réussit à mettre la force intuitive de son être dans un contenu plein d’ardeur et qui trouve en lui cette force de la dramatique qui continue d’émouvoir le spectateur.

1931 (St-Lievens-Esse)
Aan de kannebank
“Aan de kannebank” 1931
1919 / Zandbergen
1919 (Zandbergen)
1931 / St Lievens Esse
1931 (St Lievens Esse)
1931 / St Lievens Esse
1931 (St-Lievens-Esse)
1931 / St Lievens Esse
1931 (St-Lievens-Esse)

Traduction de “Jan De Cooman en zijn werk” van Gaston De Knibber.